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Synthèse information secteur hélicoptère – 01 mars 2023

Voisinage des hélistations

Une enquête publique vient d’être éditée par la préfecture du Var à la demande de la DSAC SE à propos du projet de plan des servitudes aéronautiques (PSA) de dégagement de l’hélistation de Grimaud. La consultation sera ouverte entre le 27 mars et le 12 avril. Les personnes qui souhaiteraient apporter leur contribution sont invitées à exprimer leurs observations en adressant un mail de rédaction libre à l’adresse indiquée sur la publication.
Rappelons que lorsqu’il a présenté aux usagers le projet de restructuration de l’héliport de Paris, le directeur général de l’aviation civile a clairement indiqué que les services de l’état n’envisagent pas de conduire la même démarche.

Réglementation européenne
La NPA 2022-10 qui traite des équipements à même d’améliorer la survavibilité des occupants d’un hélicoptère en cas de crash devrait voir prolongée sa période de consultation. Elle traite entre autres de l’installation de réservoirs anti-crash sur les appareils relevant de l’ancienne certification, et qui seront encore en service au cours des prochaines années (voir la synthèse UFH du 16 novembre dernier).
Face à la réticence que suscite ce projet, il est nécessaire de rassembler les éléments aussi précis que possible pour évaluer l’impact de la proposition sur la flotte en service. Pour ce faire, il a été indiqué que le R-Com n’émettra pas de commentaire de synthèse pour cette consultation.
Afin d’être assuré de recueillir des données pertinentes, il revient à chaque exploitant concerné de s’attacher à adresser un commentaire individuel à même de refléter sa propre situation.
 
La concertation interne à l’EHA sur ce dossier a suscité de la part du représentant de la Suisse, une réaction de portée générale sur le travail d’élaboration de la réglementation européenne. Cette contribution illustre le profond manque d’ahésion des acteurs de terrain au processus réglementaire qui s’applique désormais à leur activité. Son auteur a accepté que l’UFH porte ce texte à la connaissance de l’ensemble des lecteurs de sa synthèse hebdomadaire :
Par Martin Sticky – SHA (texte original en anglais)
Il ne fait aucun doute que les systèmes de carburant résistants aux collisions sauveront des vies. Par conséquent, équiper les hélicoptères existants, serait une bonne chose.

En revanche, et c’est le cœur de tous nos débats, les parties prenantes dépendant de l’EASA en débattent sans la moindre idée des risques réels liés à l’exploitation d’hélicoptères. Nous n’avons pas de statistiques utilisables sur les accidents sous la forme que nous connaissons, à savoir le type d’accidents par heure de vol. Nous ne disposons que des nombres absolus d’accidents, et ma confiance dans les chiffres disponibles est limitée. Cela pose à mon avis un problème global pour le processus d’élaboration des règles, en particulier dans le cas qui nous occupe ici.

Si nous ne savons pas précisément quel levier nous actionnons vraiment en étudiant un règlement, nous ne pouvons pas juger de l’impact qu’il pourrait avoir. Évaluer un projet réglementaire nous pose un problème fondamental, car nous ne pouvons pas juger de l’importance réelle du risque qu’il est censé atténuer, ni de la priorité à lui accorder. Nous ne pouvons pas discerner les règlements importants par rapport aux dispositions intéressantes et à celles qui sont stupides.

Le problème s’aggrave après la promulgation de la réglementation car les lacunes de données nous rendent aveugles pour juger si une réglementation a vraiment contribué à accroître la sécurité ou non. Ce travail réglementateur, c’est du vol IFR sans instrumentation appropriée. Il produit la sur-réglementation et augmente le fardeau administratif sans aucune perspective d’atténuation.

Ce principe basé sur des hypothèses et des pressions politiques, a même conduit à promulguer des règles folles, comme par exemple pour les exigences relatives aux bimoteurs.

Autre exemple, un tas de nouvelles règles vient d’être promulgué avec son lot de charges administratives, de paperasse, etc. sur la base d’un unique accident provoqué par un pilote qui a développé un degré suffisamment élevé de criminalité pour écraser volontairement son avion avec tous les passagers. Dès le début, il était clair que ce règlement ne serait pas en mesure de prévenir la répétition de cet accident à l’avenir. En effet, une réglementation plutôt contraignante pour éviter cet accident était déjà en vigueur au moment de l’accident, mais le médecin qui avait examiné ce pilote a réduit son efficacité à rien, en délivrant une aptitude médicale de classe A, bien que le pilote ait été sous traitement psychologique continu depuis sa formation en raison d’un état dépressif chronique.

On observe aussi que les pilotes au comportement trompe-la-mort passent toutes leurs évaluations le plus souvent avec virtuosité. Quelle que soit la réglementation, il sera toujours en dernier ressort de la responsabilité des formateurs, puis des opérateurs de détecter les pilotes au comportement à risque, de parler avec eux et d’essayer de les ramener sur la bonne voie pour voler d’une manière qui ne mette pas la sécurité en jeu.

On constate régulièrement que l’EASA est contrainte de s’efforcer de résoudre des problèmes qu’elle a elle-même causés, et ce faisant l’aggrave encore. En édifiant une réglementation excessive, les autorités ont provoqué une charge administrative et des contraintes d’exploitation qui paralysent le processus de développement des hélicoptères et en particulier des hélicoptères légers. La majorité des modèles d’hélicoptères sur lesquels nous volons datent de 1977 ou de 1982 pour ne citer que deux des modèles les plus vendus. Heliswiss vient d’acquérir un appareil âgé de 60 ans pour remplacer son KA 32 pour les opérations de transport de charges lourdes sous élingue. C’est peut-être un cas extrême, mais cela montre bien que nous avons un problème. Et pourtant depuis le siècle dernier, les réservoirs anti-crash sont obligatoires pour les hélicoptères. L’EC120 certifié en 1997 a déjà des réservoirs résistants aux chocs.

J’ai étudié récemment la réglementation relativement récente, relative au calcul des facteurs de charge applicables aux équipements de transport Human External Cargo. On peut certes discuter d’un facteur de sécurité de trois, mais en se basant sur une simple analyse statique, on comprend qu’il est pour le moins étrange de définir un facteur de charge de 3,5 pour un équipement HEC. Pour un appareil qui dispose d’une charge utile de 600 kg sans treuil, la charge à prendre en compte avec cette règle prévoit jusqu’à dix fois la charge transportable. Cela signifie que la charge que vous calculez pour tenir compte du facteur de sécurité est supérieure à la capacité de transport externe de la plupart des hélicoptères utilisés pour ce type d’opération. Ainsi, la charge globale calculée est supérieure à la capacité de l’hélicoptère, le facteur de sécurité accapare à lui seul la charge à la capacité maximale de l’hélicoptère. Or à capacité maximale aucun hélicoptère ne peut générer un facteur de charge de 3,5. Cet exemple récent montre que l’EASA pousse la réglementation à des niveaux qui n’ont plus aucun fondement dans la réalité. Le pire est que je ne suis pas sûr que quelqu’un se rende vraiment compte à quel point ce cadre réglementaire prend une forme dysfonctionnelle.

Le MDR (Master Differences Requirements) est un autre exemple de sur-réglementation folle de l’UE. Son application va signer la mort de l’innovation et des entreprises à brève échéance. Ses effets apparaissent rapides pour notre secteur, en contrecarrant la diversité de la flotte d’hélicoptères, elle réduit à néant l’innovation et les nouveaux développements dès lors qu’on fait appliquer ses principes sans bon sens. Et le bon sens n’est définitivement pas l’une des qualités qui peut définir la réglementation EASA.
À cet égard, la différence entre une procédure accordée avec enthousiasme aux eVTOL et les drones, contraste avec la lourdeur des procédures douloureuses imposées aux innovations applicables aux hélicoptères.

Qu’est-ce que les points mentionnés ci-dessus ont à voir avec l’équipement des hélicoptères anciens de réservoirs résistants aux chocs ? Nous essayons d’engager une action qui semble politiquement correcte, et chose rare, elle apparaît techniquement pertinente. Mais nous ne savons pas si cela améliorera concrètement la sécurité. Nous n’avons même pas essayé de résoudre le problème sous-jacent. La question est de savoir pourquoi il serait impératif d’appliquer en Europe, le correctif à un problème qui touche principalement d’autres flottes complètement dépassées (celle qui dépend de l’EASA est plus modernes qu’aux États-Unis, par exemple)

Alors pourquoi valider la sur-réglementation dans les domaines où cela n’aide pas à faire avancer la sécurité ? Nous n’avons même pas de plan pour rendre au secteur de l’hélicoptère un cadre réglementaire pragmatique et fonctionnel. On ne cesse de nous répéter que l’Europe veut faire de meilleurs règlements mais, pour ma part, je ne détecte rien qui aille dans ce sens.

La mise en place de réservoirs résistants aux chocs sur la flotte d’hélicoptères existante est une contribution de plus à la complexification du cadre réglementaire européen, à propos duquel en fin de compte, personne à ne peut prouver un effet positif ou négatif car il n’y a pas de mesure disponible pour le constater. Une contrainte de plus qui coûtera beaucoup d’argent et de ressources à certains opérateurs et qui les poussera peut-être à acquérir un appareil aux performances mal adaptées à leurs besoins, mais conforme à la règle.

La discussion proprement dite a d’abord émergé de la FAA aux Etats Unis. Il ne n’était pas seulement question de réservoirs résistants aux chocs, il s’agissait de la certification globale de la survivabilité en cas d’atterrissage d’urgence. La démarche se rapportait principalement aux sièges équipant les hélicoptères. Si nous commençons à changer les réservoirs de carburant des hélicoptères existants, nous devrons également réfléchir à la mise en œuvre des exigences d’atterrissage d’urgence applicables aux hélicoptères existants. Cela n’améliore pas la situation pour le pilote tué par l’impact sous charge élevée, que son corps soit retrouvé intact parce que l’épave n’a pas brûlé. Le problème avec cette option est qu’elle serait très difficile à imposer aux hélicoptères pour lesquels la structure du siège fait partie du fuselage.

Il ressort de tous les points que j’ai évoqué, que je ne peux pas soutenir cette proposition de règlement. Ce serait avant tout une étape symbolique à ajouter sur un détail où nous supposons un effet positif. Mais sur le plan global, c’est dans une large mesure une hypocrisie car cela ne contribue pas à résorber les vrais problèmes. Cela ne changerait pas les choses dans les domaines où les efforts devraient porter pour être efficaces en termes de sécurité par rapport à l’impact sur les coûts.

D’un point de vue très personnel, je suis complètement rassuré car l’opérateur pour lequel je travaille a fait installer un réservoir anti-crash sur notre dernier Ecureuil l’automne dernier, et tout le reste de sa flotte en exploitation commerciale en est équipée.

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